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Outreau, l'affaire ? le scandale ? le fiasco ? Le désastre ? Quel qualificatif utiliser pour décrire cette tragédie qui a mobilisé les médias depuis les premières mises en cause en 2001, le procès de Saint-Omer en 2004, le procès en appel en 2005, les commissions d'enquête qui se termineront en 2009.
Est-elle terminée ? Loin s'en faut. Attendons-nous à voir refaire surface périodiquement, pendant des années, plus probablement des décennies - et pas toujours sur le ton qui a cours aujourd'hui - cette histoire incroyable que beaucoup croient connaître pour en avoir entendu parler, que l'on résume en quelques mots, qui se colporte sous des aspects à la fois simplistes et terrifiants.
Il en va de l'affaire d'Outreau comme des grandes affaires, citons par exemple de l' Affaire Dreyfus, dont les historiens finissent par s'emparer, et qui entrent dans l'histoire pas tant en raison des aspects passionnants d'une énigme judiciaire, pas plus en raison d'un intérêt particulier pour les protagonistes, mais parce qu'elles mettent en lumière l'état psychologique d'une société à un moment donné, ses aspirations et ses phobies, ses rapports aux institutions, les raisons profondes de ses dysfonctionnements.
Les articles
qui parlent de l'affaire d'Outreau sont en nombre
pléthorique, ce qui témoigne de son importance médiatique.
Il s'agit toutefois de faire le tri entre les informations
qui reprennent sans aucune remise en cause les éléments
courants dont on trouve pratiquement la copie un peu
partout, par exemple ceux qui présentent en quelques mots
l'histoire du film « présumé coupable » de
Vincent Garenq, et les articles de fond qui sont le fait
d'auteurs qui se sont penchés sur l'affaire avec curiosité
ou qui l'ont connue « de l'intérieur » et qui
apportent leur témoignage.
La vérité c'est ce
qu'on arrive à vous faire croire (...) grâce à la
mécanique manipulatoire de la storytelling, le récit de
l'histoire la plus virale se substitue à l'analyse du
réel. Il s'agit de trouver la bonne histoire au bon
moment, qu'elle soit vraie ou fausse n'est pas le
problème, c'est la transmissibilité qui la définit comme
bonne. Cette remarque du sociologue
Christian Salmon s'applique parfaitement bien à la
médiatisation de l'affaire d'Outreau. Elle ne saurait bien
évidemment satisfaire l'historien, le chercheur, ou tout
chercheur de vérité qui s'est donné pour mission
essentielle de comprendre et d'en faire profiter les
autres.
Le propos de ce site est de diriger les personnes qui ont un réel souci d'objectivité vers les sources de documentation qui vont au plus près de la vérité, et d'apporter un éclairage sur les controverses auxquelles on assiste chaque fois qu'un débat a lieu sur le sujet.
Dans un second temps, en replaçant les observations qui se
dégagent du traitement médiatique de l'affaire dans le
climat social de cette dernière décennie, je tenterai de
faire apparaître les pistes de réflexion qui permettent de
comprendre comment l'opinion a pu se laisser gagner
facilement et de façon durable par une interprétation
aussi fallacieuse de cette affaire.
Soyons clairs : notre propos n'est pas de refaire l'instruction du
procès de Saint-Omer, ni de reconsidérer les conclusions
du procès en appel. Des personnes ont été accusées, puis
acquittés, et cet acquittement s'impose comme vérité
judiciaire. Il arrive que les auteurs qui s'efforcent
d'attirer l'attention sur ce qui s'est réellement passé et
tentent d'en dégager les enseignements soient traitées de
« révisionnistes ». C'est par exemple ce que
l'on entend d'Eric Dupond-Moretti, avocat de la défense
lors de l'affaire d'Outreau qui intervient régulièrement
dans les médias comme pour entretenir la légende qu'il a
largement contribué à faire naître. Cet épithète est bien
évidemment choisi pour que ces personnes soient
déconsidérées par l'opinion publique. Mais laisser
entendre quelles veulent que l'on revienne sur les
conclusions du procès, c'est leur prêter des intentions
qu'elles n'ont pas.
Beaucoup de choses sont à réviser pourtant dans ce qui constitue le mythe d'Outreau, et ceci pour plusieurs raisons :
- Parce que cette affaire a porté un grave préjudice aux instances dont la mission est au service du citoyen, qu'il s'agisse de l'institution judiciaire et de magistrats, de services sociaux, d'experts, etc... non seulement du fait du dénigrement dont les professionnels ont fait l'objet à titre individuel, mais surtout du fait que le rôle que doivent assurer ces instances dans la régulation sociale a été atteint dans sa crédibilité, et par conséquent dans son efficacité. La perte de confiance dans ces instances n'est bonne pour personne. Il est donc important de restaurer leurs images qui ont été abusivement ternies.
- Parce que
cette affaire dont le spectre est constamment brandi dans
les tribunaux et dans les articles de presse a pour effet
de tétaniser les acteurs qui ont à prendre des décisions
propres à protéger les victimes ou de mettre leurs
agresseurs hors d'état de nuire. Le médecin ou le
professeur des écoles qui se posent la question de faire
un signalement, magistrats qui décident d'instruire ou de
classer sans suite, jurés de cour d'assises devant
exprimer leur intime conviction, Tous maintenant sont
portés à une extrême prudence qui confine parfois à
l'inaction. On a vu récemment une illustration dramatique
de ce genre d'inaction dans la tragédie qui a coûté la vie
à la petite Marina. Voir
éventuellement cet article sur Mediapart.
- Parce que
les dysfonctionnements qui ont mené au désastre ont été
essentiellement examinés en prenant pour hypothèse de
départ une idée préconçue : la légende qui est elle-même
le résultat des dysfonctionnements, un peu comme si on
devait se prononcer sur la qualité de la traduction d'un
livre en se fondant sur les textes qui ont été traduits
plutôt que sur les textes originaux. Il faut donc
reprendre, avec le recul, les analyses qui permettent de
comprendre les causes du désastre afin qu'il ne se
reproduise pas.
Les raisons profondes de l'émergence du mythe d'Outreau restent donc à analyser.
Le contenu de ce site est le fruit d'un travail d'équipe qui regroupe des personnes qui ont suivi attentivement l'affaire d'Outreau. Les unes connaissent bien certaines victimes avérées, d'autres ont pu étudier le dossier en détail, ce qui représente un énorme travail que de nombreux auteurs qui ont écrit à leur manière sur l'affaire n'ont visiblement pas pris le temps d'accomplir. Beaucoup se sont contentés des informations qui ont été sélectionnées par la défense au moment des procès et qui ont largement alimenté les articles de presse et beaucoup de publications qui s'en sont suivies.
Impossible de dire tout ce que nous savons...
Le contenu de ce site est étendu et complété à mesure que s'opère la sysnthèse des travaux d'étude sur l'affaire. Mais nous ne pourrons tout dire. Désolé, ce serait contraire à la loi. C'est toute l'ambigüité de l'affaire d'Outreau. L'accès au dossier d'instruction est très encadré. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Même les jurés censés juger au nom du peuple n'y ont pas eu accès, et des demandes de lecture d'extraits durant le procès n'ont pas été accordées. Les parlementaires qui ont siégé à la Commission parlementaire sur l'affaire d'Outreau n'y ont pas accédé non-plus [voir cette explication] Il faudrait donc croire sur parole ceux et celles qui invoquent le fait d'y avoir eu accès. Mais il se trouve que parmi eux, certains auteur(e)s n'ont pu apprécier qu'un bouquet de pages choisies par les avocats de la défense, et les publications qui s'en sont suivies n'ont eu pour effet que de donner à l'affaire la tournure que l'on sait, et à toute la mystification dont la plupart des gens n'ont pas conscience - et que nous voulons dénoncer.
On a donc lynché le juge Burgaud sur la base d'un document qui était soustrait à l'examen de tout un chacun, et donc à toute vérification. C'est bien dommage, mais bien commode pour ceux qui ont organisé son scandaleux lynchage public pour des raisons essentiellement politiques et qui ont finalement échoué à remettre en cause le statut des juges d'instruction.
Ce que l'on doit savoir sur l'affaire repose pour une part sur le témoignage vécu de l'expert judiciaire Marie-Christine Gryson-Dejehansart qui, comme d'autres professionnels (enquêteurs, experts, travailleurs sociaux...) n'a pas été épargnée par les calomnies stratégiques. Son livre « Outreau, la Vérité abusée, 12 enfants reconnus victimes » (eds Hugo et cie 2009, nouvelle édition électronique revue et augmentée 2015) est le point de départ de la réinformation. Il est conseillé en première lecture.
On le doit aussi à ceux des enfants victimes qui se sont exprimés sur la vie qu'ils ont dû affronter, et en particulier l'aîné d'entre eux : Chérif Delay qui a coécrit avec le journaliste Serge Garde son livre« Je suis debout » (eds Cherche Midi 2011).
On le doit à Serge Garde et Bernard de la Villardière qui sur la base des initiatives précédentes ont réalisé et produit le documentaire « Outreau, l'autre vérité », film qui a déchaîné la fureur de ceux - Eric Dupond Moretti en tête - qui ont tout intérêt à ce que les croyances sur Outreau restent en l'état.
On le doit encore à Jacques Thomet, sans doute la personne qui a donné le plus de son temps et de son énergie à l'étude du dossier afin de rédiger sa contre-enquête « Retour à Outreau, contre-enquête sur une manipulation pédocriminelle » (eds kontrekulture 2013) qu'aucun des nombreux éditeurs contactés sauf un n'a eu l'audace de publier, tant il paraît scabreux de démonter une croyance populaire.
On le doit enfin à toutes les personnes qui s'impliquent à titre individuel ou collectif - par le biais de groupements ou d'associations - ne s'en sont pas laissées conter, pour différentes raisons : parce qu'elles ont décrypté à temps le phénomène de mystification... parce qu'elles connaissent assez des enfants victimes pour bien savoir ce qui leur est arrivé... parce qu'elles ont pu lire des extraits effarants du dossier d'instruction... Oui, cela aura mis du temps, mais les pièces du puzzle arrivent peu à peu et révèlent un tableau sordide. Et toutes ces personnes contribuent par leurs relations et par le biais des réseaux sociaux à maintenir et développer inexorablement la nappe phréatique de la vérité qui finira par couler de source.
Nous pouvons tout au moins reprendre dans ce site à titre d'information, quelques documents qui ont déjà été divulgués ici et là, évoquer des cotes du dossier qui ont été lues en audience, c'est déjà un premier pas pour dévoiler la mystification d'Outreau.
contacts : brasero@demystifier-outreau.com